Face à la prolifération d’images et de publicités, chaque marque cherche à se distinguer, à capter l’attention. Le service graphique d’InPuzzle se donne pour mission de transmettre au marché étranger ciblé par le client la même qualité graphique, bien sûr, mais aussi la même tonalité d’échange avec son public potentiel, ainsi que le même souci de se distinguer et de trouver sa cible. C’est dans ce contexte que nous nous intéressons à l’UX. Mais adaptation graphique et UX font-ils bon ménage ?
1. Les concepts d’adaptation graphique, ergonomie et UX
Au sein du pôle graphique d’InPuzzle, nous sommes spécialisés dans l’adaptation vers des langues et des marchés étrangers. Professionnels expérimentés, nous connaissons les règles qui régissent la communication visuelle en Europe. Pour des langues plus « exotiques », notamment celles usant d’alphabets non latins (japonais, coréen, arabe, etc.), les responsables linguistes, dont la plupart sont auprès de nous à Rennes, restent nos interlocuteurs de choix pour trouver la meilleure façon d’adapter visuellement une communication vers les pays concernés. Généralement, cela se concrétise par le choix d’une typographie, d’un corps de texte et d’un interlignage qui reproduiront au mieux un gris typographique* homogène et adapté au type de publication dans le pays ciblé.
Parfois, le sens de lecture doit être modifié – très rarement pour les langues asiatiques, mais systématiquement en arabe, hébreu et perse. Il arrive également que nous soyons amenés à changer un visuel ou une couleur.
La maquette du pays d’origine comprend déjà toutes les réponses aux problématiques mises en évidence lors de la commande du client auprès d’une agence graphique ou de communication : l’adaptation graphique ne remet pas en cause ces choix, a priori…
L’UX s’intéresse à l’interaction (et aux sentiments qui en découlent) d’un usager vis-à-vis d’un produit, d’un événement, d’un site web, voire même d’un trajet. Il a pour mission de rendre cette expérience agréable, fluide, accessible et satisfaisante.
L’UX designer est rationnel, il s’appuie sur des connaissances en sciences cognitives et humaines : des lois sur le comportement, le fonctionnement du cerveau, etc. mais surtout sur les résultats de recherches et d’analyses statistiques, d’entretiens utilisateurs, de questionnaires et de tests utilisateurs. Il n’invente rien, tout est démontrable. Les technologies qui l’ont fait naître évoluant très rapidement, son diagnostic est pour bonne partie empirique : en ce sens, c’est le règne du « feedback » !
Généralement, il définira d’abord un persona et évaluera la concurrence. En fonction de ces premiers résultats, il donnera une idée globale du parcours client (UI sous forme d’un wireframe, par exemple, pour une page web) ou une AI (architecture de l’information pour un site). Éventuellement, il ira plus loin en « designant » lui-même avec plus de détails. Ses domaines de compétences se croisent avec ceux du marketing, de l’UI, de l’ergonomie, de l’AI et du design visuel. Je le définirais comme le grand chef d’orchestre, qui ferait jouer ensemble ces métiers au service d’un projet cohérent dans ses moindres détails.
Je trouve que la tendance dont il faut s’aguerrir est parfois d’appauvrir volontairement, ou par manque d’information, le savoir-faire du graphiste pour le donner à l’UX designer ou au designer visuel (autre profil très en vogue dans le monde des écrans). En réalité, il me semble que lorsque l’on a affaire au web, les appellations ne diffèrent pas seulement par leur contenu, mais aussi par leur origine. Les termes d’UX, UI, AI sont des expertises nées du monde anglo-saxon très récemment, liés à l’apparition des moyens de communication que sont les sites internet, les réseaux sociaux, etc. sur écran d’ordinateur, de tablette et de smartphone ; tandis que l’imprimerie, les règles typos, les grands principes de lisibilité qui en découleront sont nés notamment du côté de l’Allemagne, l’Italie, la France et la Suisse. En contraste, ces nouveaux sigles ont l’attrait de la nouveauté et font un bien meilleur écho au monde très digitalisé et très « anglicisé » aussi, des écrans. Il ne faudrait pourtant pas enterrer l’ancien pour ne miser que sur le nouveau. Car l’UX designer et a fortiori le designer visuel ont tout intérêt à s’appuyer sur les connaissances du design graphique. Le « flat design » de Windows, qui est une réussite historique marquant la jeune histoire de l’UX, est issu d’un mouvement graphique des années 50, mettant l’accent notamment sur l’usage de la typographie comme élément visuel. Sous beaucoup d’autres aspects, les deux domaines, UX et graphisme, sont étroitement liés.
2. Designer graphique vs UX Designer : différences et points communs
Tout d’abord, il faut savoir que l’UX designer et le graphiste se soucient tous les deux de trouver facilement leur cible et de garder son attention, d’obtenir sa fidélité, jusqu’à faire même en sorte qu’il se comporte lui-même en messager pour la marque, en lui rendant son expérience agréable, voire marquante.
Capter l’attention sur un texte et maintenir un bon niveau de confort de lecture du début à la fin est une expertise du maquettiste-graphiste mais c’est aussi, à petite échelle, la réussite d’un parcours client pour un UX Designer.
Ensuite, l’UX Designer n’est, la plupart du temps, pas un designer. C’est un malentendu, peut-être lié en France à une mauvaise traduction. Il est un designer au sens de concepteur de l’expérience client. Comme le designer graphique, il doit savoir ce qu’un type d’audience ressent face à tels ou tels visuel, couleur, forme, etc. En revanche, en fonction de ce qu’il fera ressortir comme problématique, le designer graphique, lui, trouvera peut-être pertinent d’utiliser la couleur qui interpelle, la typographie pas très lisible à certains endroits, etc., ce que l’UX designer se serait totalement interdit de faire. Ce sont deux profils opposés, l’un se conformant à des règles parfois purement scientifiques et l’autre, maître de l’émotion. Ils peuvent avoir tous les deux raisons, seuls les résultats pourront le montrer.
J’ai envie de dire que l’UX designer a une vision d’avantage « macro », une vue d’ensemble de la navigation, de l’interaction et ce, quelle que soit l’interface. Il a en plus une analyse en amont et en aval (feedback) de l’usage d’un produit ou de la navigation sur un site. Ces analyses lui permettent d’énoncer des principes à respecter. Le graphiste a certes une vision globale lui aussi de la tonalité à donner à la communication, grâce notamment aux analyses fournies par l’UX, mais il lui est aussi indispensable d’avoir une vision « micro ». Les exigences de l’UX designer sont, par ailleurs, de faire lire l’utilisateur, de maintenir son attention et d’obtenir son adhésion, voire sa fidélité : seuls les graphistes, et aussi a fortiori les exécutants, c’est-à-dire les maquettistes traditionnels (ou « print »), possèdent ce savoir-faire, très spécialisé. Ils connaissent les lois de hiérarchisation de l’information, de l’adhésion ou non d’un lecteur à un texte par des réglages « microtypographiques » (approche, justification, etc.), les lois des contrastes, du rythme, des grilles structurant un espace, etc.
Ainsi, s’il veut mener à bien son projet dans les moindres détails, l’UX Designer ne peut se passer de l’expertise d’un « bon graphiste print », parce que celui-ci a la culture dont l’UX a besoin.
S’il réussit à provoquer chez l’usager un plaisir visuel vis-à-vis de l’aspect global d’une interface, mais que ce plaisir se transforme en inconfort puis fait fuir l’usager quand celui-ci veut entrer dans les détails du contenu, il a entièrement échoué son travail. Le lecteur n’y retournera peut-être jamais ! Le pire, c’est qu’il s’agit la plupart du temps d’un cheminement inconscient chez l’usager. Il va garder de son sentiment de malaise une mauvaise opinion de la marque, plutôt que d’identifier un mauvais graphisme.
C’est une impression que tout le monde a vécue. A priori, on veut aller vers ce que l’on cherche et ne pas se laisser « avoir », mais il arrive que des visuels ou un style graphique forts, très forts, détournent et captent notre attention sur un site internet, un consumer magazine. Ils provoquent aussi chez nous, de ce fait, une grande attente. Nous entrons alors dans le détail du contenu… malheureusement, au bout d’un temps très court de navigation ou lecture, si le sens global nous échappe et si, comme très souvent, les textes comportent des fautes ou que leur mise en forme est peu soignée, avec des irrégularités, notre attention s’épuise rapidement, une certaine irritation nous gagne et nous mettons un terme à notre expérience en nous promettant de ne plus nous faire « avoir » ! Je pense que cela peut être le cas lorsqu’il y a trop de concepteurs « branchés », mais pas assez de bons exécutants soucieux des règles universelles, qu’il s’agisse de rédaction ou de mise en page, notamment. Les uns ne réussissent pas sans les autres, et vice-versa. Heureusement, il peut s’agir aussi d’un mauvais produit ou service. L’UX et le design ne peuvent pas faire vendre absolument n’importe quoi… enfin espérons-le ! Sinon, nous serions à la merci des publicitaires…
3. Les enjeux de l’adaptation graphique couplée à l’UX
Chez InPuzzle, les compétences de notre service graphique sont aguerries à l’adaptation graphique de supports de communication imprimés très ambitieux. Nous sommes bien obligés de le reconnaître, nos expertises s’appuient sur des règles qui sont propres à cet univers de l’édition.
Mais, nous n’avons pas tardé à comprendre que dans un monde de technologies évoluant très vite, une marque a tout intérêt à travailler avec une agence de communication ou un service marketing pour une expertise UX, et aboutira à une cohérence graphique globale sur de multiples supports.
Pour l’adaptation de son produit ou de sa communication vers d’autres marchés, le client voudra trouver chez InPuzzle les mêmes outils d’analyse pour réussir son expansion à l’international. Le service graphique, dans ce sens, a étendu ses compétences.
Aujourd’hui, au pôle graphique d’InPuzzle, sous l’impulsion et avec l’aide de nos services marketing et digital, nous nous intéressons de très près aux expertises de l’UX pour aller plus loin dans l’analyse d’une communication et son adaptation.
Et, heureusement, nos connaissances sont tout à fait pertinentes pour adapter une démarche UX. Formés à ces problématiques, et toujours en étroite relation avec les responsables linguistes, nous sauront remettre en cause et redéfinir si nécessaire une mise en forme pour qu’elle trouve sa cible à l’étranger… et la retienne !
Il y a, dans le domaine UX, des réussites déjà légendaires qui font école. La molette de l’iPod, par exemple : une référence en ergonomie ! Il y a aussi le « flat design », lui aussi une réussite historique dans le monde des écrans (Windows). Il est d’ailleurs issu d’une tendance graphique des années 50, donc du support imprimé !
Un client qui mise tout sur le décalage, l’objet bizarre, curieux, voire accidenté… Pour son adaptation vers l’étranger, il est primordial de ne pas « lisser » l’objet. Mais il faut pourtant se poser la question de sa pertinence à l’étranger.
Exemple : en France, un exergue en pleine page avec une taille de police très grande passera plus comme un élément graphique esthétique que comme quelque chose de très important à lire, car le lecteur est habitué à ce genre d’effet démesuré. La connotation est esthétique, le lecteur peut se sentir flatté de parcourir un document avec une plus-value esthétique, même si c’est de manière inconsciente chez lui, puisque le but est qu’il associe ce « plaisir » au produit ou à la marque représentée par la publication, plutôt qu’à un travail de graphiste. En revanche, en japonais, si on reproduit la même taille de caractère, le texte aura l’air d’être hurlé et c’est très inconvenable. C’est un élément à considérer. Selon le public visé, la censure n’est pas forcément de mise. La volonté de choquer peut être pertinente.
* gris typographique : on parle aussi de couleur de texte. C’est l’impression générale d’un texte regardé dans son ensemble, en floutant sa vision par exemple, le résultat optique des multiples caractères noirs que comportent un texte, sur fond blanc. Le concept s’étend aux couleurs autres que le noir et aux fonds autres que blancs. Un gris typographique homogène permet à l’œil de percevoir des formes géométriques régulières, dont les densités varient selon leur hiérarchie. Un gris typographique non homogène produira des formes géométriques chaotiques ou tâchées qui ne permettent pas de percevoir une hiérarchie de façon directe. C’est le cas, par exemple, quand un bloc de texte courant comporte des lézardes blanches (comme des fissures) du fait d’un mauvais réglage de la justification ou de l’interdiction des césures.
Sophie Tavernier, responsable PAO